Regarder la Seine est une exposition conçue pour Muséoseine dans le cadre du festival Normandie Impressionniste 2016.
Ce sont les bords de Seine comme ils n’apparaissent que rarement aux riverains, gorgés d’eau, que saisit Colombe Clier pour Muséoseine en confrontant sa cartographie intime à celle de personnes qui entretiennent une relation étroite avec le fleuve. La question du regard, éminemment photographique, apparaît explicitement dans le titre de l’exposition. Mais sa mise en scène, loin d’en être une illustration factuelle, invite le spectateur à partager un état de contemplation, initié autant par les paysages que les portraits de ceux qui deviennent passeurs, messagers d’une rive à l’autre. La lumière naturelle est privilégiée, en particulier ce moment où les dernières lueurs du jour s’accrochent à la silhouette des arbres, les faibles rayons du soleil aux herbes inondées. Une nature au repos, assoupie, qui tressaille à peine sous la brise d’hiver. Alors que la matérialité du paysage familier s’évanouit avec la tombée de la nuit, les portraits donnent naissance à une autre temporalité, intérieure, une projection en soi du fleuve, dont les frémissements, quasiment imperceptibles, semblent parfois froisser les cheveux des jeunes filles photographiées. La présence de la Seine est intégrée, malgré l’absence d’un lien visuel direct qui relierait les figures à celle-ci. La prise de vue argentique impose un ralentissement dans le processus de création ; les corps, les gestes, portent la pesanteur de la technique employée. Cette immobilité qui en découle, à peine dérangée par le regard du spectateur, parvient, comme le formule Marguerite Duras, à « rendre le silence. Un silence vivant, riche. Comme quelque chose qu’on aurait pu entendre. »
Cécile Tourneur
Regarder la Seine from Colombe Clier on Vimeo.
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